LES RECETTES MEDIEVALES & ALCHIMIQUES

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Je tiens à préciser que je n'ai aucune attache de près ou de loin sur des sujets alchimiques. Je regarde et essaye de comprendre l'alchimie avec les yeux, autant que faire se peut, d'un savant, lettré, philosophe... de cette époque de pré-expérimentation des sciences physiques et chimiques. L'alchimie est ici pour moi un simple sujet d'étude, et non une passion ou un message à faire passer sous forme détournée ou prosélytique. Ceci me rend alors d'autant plus objectif pour en parler.

Au cours d’une conférence à Poitiers en Février 2000, le professeur Robert Halleux, de l’Université de Liège, évoquait à l’époque du moyen age la présence très importante de recettes qui se comptaient par dizaines de milliers, sur des sujets aussi variés que l’encre, la poudre à éternuer, des recettes pour ne pas être dévoré, pour se rendre invisible… Toutes n’ont pas été étudiées. Le spectre de ces recettes est large. La cape d'invisibilité du très célèbre Harry Potter et la recette médiévale pour se rendre invisible, outre le fait qu'elles ne sont pas éloignées sur le principe, montrent une certaine continuité historique des désirs de l'Homme : acquérir le pouvoir avec une aide, un substitut... Le pouvoir de l'invisibilité est bien celui de pouvoir être n'importe où sans être vu, et donc de savoir tout sans que les détenteurs du savoir le sachent quand ils s'expriment.

Une recette médiévale, telle que la définit Robert Halleux, est une séquence opératoire, un enchaînement d’ingrédients et d’opérations, dans un but résumé en entête de chaque recette. Les recettes devaient représenter la pratique. Elles ne sont pas toujours d’un aspect facile. Les recettes écrites posaient inévitablement des questions : cela marche-t-il ? Est-ce que cela a été expérimenté ?

Les domaines où l’on retrouve des recettes sont très divers : géométrie pratique, médecine, art et métier, magie, alchimie…

Il y a des recettes qui prétendent donner des pouvoirs qui ne sont pas dans l’ordre habituel des choses (mais reflètent cependant un aspect pratique). Et l’on pense à la magie. Mais il s’agit dans cette époque d’une magie naturelle, liée à la laïcisation de l’Univers, où le surnaturel et le miraculeux perdent de leur influence. Le fer, le feu, l'ouverture du monde, le retour des aventuriers par mer et par terre racontant et affubulant selon l'adage « qui vient de loin a beau mentir ». Non pas que marins et aventuriers aient volontairement eu envie ou souhaité mentir, mais ils découvraient des mondes et des civilisations bien au delà de leur milieu d'origine, et en peu de temps, ces hommes ont vu l'idée du monde complètement bouleversée, où toute nouveauté reflétait une part d'invention, de surnaturel, de différence, de magie, de puissance et de tellement merveilleux qu'ils amplifiaient ce qu'ils ont vu à ce qu'ils auraient pu encore voir en poussant plus loin leurs découvertes.

Ces recettes n’avaient cependant qu’un but : être appliquées. Appliquées non pas dans la fabrication en tant que telle, mais dans l'issue de la recette, ou ses conséquences pratiques et opérationnelles ; c'est-à-dire celle conséquemment aux opérations ayant servi à la réussir.

Si le Manuscrit Voynich était une recette médiévale, et donc applicable selon les principes réels qui ont prévalu à une époque où le manuscrit a été rédigé, quel qu’en soit le thème sous-jacent, entendons par là, la recette, il devrait y avoir une clef de déchiffrement.

Le concept de recette n’est toutefois pas identique dans la période moyennageuse que dans celle de la Renaissance. Les titres des recettes sont en général « secrets », « experimentum «  (qui n’a pas été expérimenté, mais qui a été validé par une autorité). C'est le délicat passage des premières découvertes scientifiques ou pré-scientifiques, c'est-à-dire de faire et refaire des expériences selon un process établi et connu d'avance, en limitant l'empirisme, au processus intellectuel de conceptualisation de nouvelles recettes avec de nouveaux effets basés sur l'expérience passée, sans que l'expérimentation ait pu prouver les résultats probables.

Concernant une possible recette alchimique que revêtirait le Manuscrit Voynich, il faut remarquer que les feuillets ne montrent pas une quelconque transformation des métaux, qu’il n’y a pas de pierre, au sens minéral du terme, et pas de feu, éloignant ainsi le possible entre la représentation du manuscrit et l'alchimie traditionnelle et naissante. Cela n’est pas anormal. Transmuer le plomb en or était lié à la richesse matérielle, mais est devenu par dérivation la recherche de l’exilir de longue vie, c’est-à-dire l’or vital, l’or qui donne la richesse cette fois vitale et non plus matérielle.

Par contre, les recettes médicinales du moyen age, assez souvent, en fonction de leurs complexités recourraient à plusieurs plantes, et donc à des préparations elles-mêmes composées de plusieurs plantes. Dans ce cas de figure, on verrait plus le manuscrit Voynich comme une recette de médecine pratique, magique ou divine car il présente de nombreuses figures de plantes avec des bains, des réceptacles de décoction. Nous détaillerons tout ceci dans les paragraphes suivants.

L’idée que le manuscrit représente une recette est très sérieuse et tout à fait plausible, dans la mesure où il semble que la fin du mansucrit soit une table des matières, et que les illustrations rendent la description du texte adjacent plus pratique et plus accessible. Toutefois, l’on pourrait objecter que si les dessins rendaient les explications plus claires, il n’en reste pas moins que les explications ne sont quant à elles pas claires puisque cryptées ou au moins indéchiffrables.

Nous pouvons à ce stade pousser plus loin notre réflexion sur l’idée de recette médiévale, et orienter nos pistes de recherche vers l’idée de rajeunissement au moyen age.

RAJEUNIR AU MOYEN AGE OU LE MYTHE DE L’ETERNELLE JEUNESSE

Une conférence, elle aussi à Poitiers, en février 2000, cette fois-ci assurée par le professeur de l'université de Génève, Monsieur PARAVICINI, traitait du thème de l’éternelle jeunesse.

Ce mythe, car il s’agit bien là d’un mythe, remonte à la nuit des temps. Le moyen-age a procédé à une ré-écriture de ce mythe qui a duré jusqu’au XVIIIe siècle. Cette ré-écriture a été opérée au sens propre et au sens figuré.

Cette littérature, celle du sens propre, propose d’abord des méthodes aux élites sociales. Ceci confirme que le manuscrit Voynich n’a pu être écrit que par un érudit, un plausible fou érudit, mais érudit quand même, pour un public restreint et averti.

Les recettes d’élixir de longue vie se font sur la base d’ingrédients existants et disponibles. Ainsi, pour reprendre le fil de notre discussion sur le possible tournesol, si ce manuscrit a été écrit postérieurement à 1492, il eut fallu que les limites des traditions et rites existants soient repoussés pour trouver dans une nouvelle plante des qualités elles-mêmes nouvelles, c’est-à-dire pouvant potentiellement allonger la vie humaine. Or, Robert Halleux, nous disait que l’intégration des nouvelles plantes dans les recettes ne s’est pas faite immédiatement. Et cela d’autant plus que les hommes du moyen age avaient une certaine crainte de la nouveauté.

Les ingrédients des recettes d’élixir de longue vie étaient au nombre de 7, dont on pourra remarque la portée symbolique si certains sont avertis en numérologie :

* chaleur (d’un corps jeune par simple contact, qui se transfère à un corps vieux)
* l’or (le soleil)
* l’ambre (le feu)
* vipère (le venin, esprit médicamenteux)
* romarin (plante de décoction)
* le sang (par où passent l'humeur vitale)
* le bois d’aloes (assure le mélange)

Ces ingrédients sont des éléments simples et autonomes, utilisables tout de suite, sans procédé chimique ou alchimique quelconque. Ce n’est que lorsque les mélanges se feront que les « pouvoirs » d’éternelle jeunesse se réaliseront en se combinant harmonieusement entre eux (selon naturellement les croyances d'alors)

L’or et l’ambre étaient les composés les plus utilisés car ils ne vieillissent pas, et sont un équilibre parfait car résistant aux conditions extérieures. Ils sont un élement naturel dont la portée symbolique rappelle celle du soleil et du feu. Ainsi l'or et l'ambre, symbolisant le feu, offrent un composant liant et fusionnant d'autres composés organiques ou minéraux, bien plus qu'un simple mélange.

Pour rajeunir, les hommes du moyen age constataient que quand un corps était froid et sec, c’est-à-dire plus il perdait le chaud et devenait humide, plus il vieillissait. Il fallait donc combattre le froid et le sec, rétablir les « humeurs » afin de prolonger la vie, et donc de retarder le vieillissement.

Roger Bacon, est l’érudit du moyen age qui a le plus écrit sur la prolongation de la vie pour retarder les effets du vieillissement.

Ainsi que les métaux peuvent être améliorés par leur combinaison et agencement, l’homme aussi peut être amélioré et perfectionné. On pourrait ainsi transformer l’or en nature humaine car l’or est stable. C’est ainsi que la stabilité de l’or était appréciée pour améliorer la vie de l’homme et la prolonger.

Roger Bacon écrivait dans livre des « 6 sciences » que « pour obtenir les derniers termes de la vie fixée par Dieu et la nature, l’homme peut se servir de science : astronomie, alchimie, perspective (optique), et autres sciences expérimentales ».

On notait aussi dans cette époque moyennageuse que le pouvoir des étoiles sur les aliments et les boissons permettaient à l’homme de voir sa vie prolongée. Là aussi, on retrouve un élement symbiotique entre le ciel inaccessible et l'homme cherchant cet inaccessible.

En astrologie, l'observation des signes du corps sert pour le traitement des maladies, pour les saignées et les purgations. Ainsi l'on a pour chaque signe zodiacal une répartition selon les parties du corps, permettant ainsi, dans le chapitre sur l'astrologie que chaque partie du corps se régénère en fonction des plantes, des astres, des recettes elles-mêmes dans une unité du corps, objet de la vie éternelle. Les signes sont répartis ainsi :

Le Bélier pour la tête.
Le Taureau pour le cou.
Les Gémeaux pour les épaules, les bras et les mains.
Le Cancer pour la poitrine.
Le Lion pour l’estomac.
La Vierge pour le ventre.
La Balance pour le petit ventre et les fesses.
Le Scorpion pour les parties honteuses et le fondement.
Le Sagittaire pour les cuisses.
Le Capricorne pour les genoux.
Le Verseau pour les Jambes.
Le Poissons pour les pieds.

De plus, chaque signe se retrouve dans la nature d’un élément : cela permet que l’observation des humeurs se fasse d’une manière plus précise. On trouve donc :

Pour le Feu : Bélier, Lion, Sagittaire.
Pour L’Air : Gémeaux, Balance, Verseau.
Pour l’Eau : Cancer, Scorpion, Poisson.
Pour la Terre : Taureau, Vierge, Capricorne.

C’était une pratique très courante au moyen age d’élaborer des élixirs de longue vie. Or si le manuscrit Voynich était un élixir de longue vie, pourquoi a-t-il été rédigé dans une langue inconnue, avec une écriture secrète ? Pourquoi se protéger d’une pratique courante ? Peut être, si cette hypothèse se révélait exacte, que l’auteur avait trouvé la recette infaillible et universelle. C’est alors pour se protéger qu’il aurait inventé cette écriture. Or, une telle recette n’existe pas, et il n’a donc pas pu la tester et l’éprouver. Donc son écriture n’est pas pour cacher une recette dont les effets seraient réels. Sauf à ce que la théorie lui ait suffit pour s’assurer que sa recette était infaillible, pratique et utile.

De plus, l’on sait que l’or participait dans de très nombreuses recettes. Et l’on ne voit pas de traces d’or dans ce manuscrit, excepté l'élément substitutif représenté par l'héliotrope et d'autres plantes "ouvertes" à la lumière et au ciel. Par contre, les étoiles ou les effets célestes sont quant à eux bien présents dans ce manuscrit, ainsi que les « tubulures » de transfert de chaleur de corps jeunes à une fabrique alchimique. Restons-en la pour l’instant, sur l’idée que nous retenons que ce manuscrit est une recette d’élixir de longue vie, la pierre philosophale.

Est-ce un secret qui a été monnayé d’un état à l’autre, et dont le manuscrit représent la forme cryptée de cette recette ? Pourquoi pas, mais nous n’avons aucun indice, ni piste de recerche pour confirmer cette hypothèse plausible.

L’ALCHIMIE

L’alchimie ne peut être résumée par l’image populaire d’expériences magiques, d’initiés proches de pratiques de sorcellerie…
Il ne s’agira ici de faire ou de refaire un traité d’alchimie, ou d’histoire de l’alchimie. On pourra se référer au livre de Michel Caron et Serge Hutin, l’Alchimie, aux Editions du Seuil. Ce qui nous importe ici est de pouvoir extraire des pratiques alchimiques des débuts de preuves reliant lesdites pratiques aux images du manuscrit.

L'alchimie s'est donnée des buts distincts, qui parfois coexistent. Le but le plus emblematique de l'alchimie est la fabrication de la pierre philosophale, ou « grand oeuvre », censée être capable de transmuter les métaux vils en or, ou en argent. D'autres buts de l'alchimie sont essentiellement thérapeutiques, la recherche de l'elixir d'immortalité et de la Panacée (médecine universelle), et expliquent l'importance de la médecine arabe dans le développement de l'alchimie. Derrière des textes hermétiques constitués de symboles cachant leur sens au profane, certains alchimistes s'intéressaient plutôt a la transmutation de l'âme, c'est-à-dire à l'éveil spirituel. On parle alors de "l'alchimie mystique". Plus radical encore, l'Ars Magna, une autre branche de l'alchimie, a pour objet la transmutation de l'alchimiste lui-même en une sorte de surhomme au pouvoir quasi-illimité. Un autre but de l'alchimie, introduit par Paracelse, est la création d'un homme artificiel de petite taille, l'homonuclus.

Et d’abord, ce que vous voyons être dans plusieurs feuillets des tubes, tubulaires, baignoires et autres formes pouvant a priori garder ou transporter des liquides, pourrait être assimilé aux creusets et cornues dans lesquelles se pratiquaient les mélanges ou échanges de procédés. Nous avons donc là du matériel propre aux pratiques alchimiques. Alors, bien sûr, la baignoire dans l’imagerie traditionnelle alchimique n’est pas un terrain d’expérimentation fréquent, mais ce n’est pas l’idée de baignoire qui nous intéresse ici mais le fait que s’agissant d’êtres humains, représentés dans leur taille réelle, un creuset ou une cornue d’expérimentation n’avaient pas la taille et la forme nécessaire pour être « compatible » avec un être humain. La « baignoire » remplit son rôle de creuset géant, mais creuset quand même dans lequel s’échange et se mélange des liquides et des fluides (les humeurs humides, principes de vie).

Ci-dessous, nous prenons un exemple d’une « recette alchimique » (ou pierre philosophale). Aux siècles passés, philosophes et savants croyaient fermement qu'il était possible d'extraire des minéraux, par un long et savant processus de purification, le "principe naturel" générateur d'or. Voici, selon un écrit anonyme du XVIIe siècle, "The sophic hydrolith". la méthode à suivre pour préparer la pierre philosophale à partir d'un minéral :

"Il convient d'abord de purger la matière de tout ce qui est épais, nébuleux, opaque et sombre. On obtenait ainsi de l'eau mercurielle ou eau céleste, fluide extrêmement volatil au parfum pénétrant. Après avoir réservé une partie de ce liquide, il fallait mélanger le reste à un douzième de son poids du corps divinement enrichi de l'or (c'est-à-dire de l'or ordinaire souillé et terni par un long usage). Il se formait de la sorte un amalgame solide que l'on réchauffait à feu doux pendant une semaine avant de le dissoudre dans une partie de l'eau mercurielle, en réserve dans une fiole en forme d'œuf. Puis il fallait ajouter progressivement en sept fois le reste de l'eau mercurielle, sceller hermétiquement le flacon et le conserver dans un endroit tiède, à la même température que des œufs à couver. Au bout de quarante jours, le contenu de la fiole devait être aussi noir que la tête d'un corbeau. Encore sept jours plus tard, on devait normalement voir apparaître des petits corpuscules blancs, semblables aux yeux d'un poisson. La pierre philosophale commençait alors à se matérialiser. d'abord de couleur rougeâtre, la substance se colorait ensuite de vert, de blanc et de jaune, comme la queue d'un paon : puis elle virait au blanc scintillant, prenant plus tard un éclat rouge sombre, avant d'apparaître dans toute la perfection et la gloire de sa couleur pourpre. Quant au minéral utilisé pour la préparation, nous lisons dans Gloria mundi (1526) qu'il est familier à tous les hommes, qu'ils soient jeunes ou vieux, qu'on le trouve aux champs. Bien que les hommes en fassent peu de cas, il s'agit pourtant de la plus belle et de la plus précieuse chose de la Terre... "

Dans un autre ordre de sujet, mais néanmoins proche du Manuscrit, il faudrait maintenant évoquer ici Paracelse, qui parcourut bon nombre de pays d’Europe, et qui fut un savant reconnu et éclairé en toutes choses. Il assurait avoir fabriqué un « homunculus », et avoir mis au point un élixir à base d’or potable capable d’apporter une jeunesse éternelle. Il résolut également au fil de ses recherches et expérimentations de ne plus séparer l’alchimie de la médecine. Nous savons tous que la médecine d’alors avait recours à des recettes médicinales orientée autour de mélanges de plantes diverses et orientales, voire sacrées. En continuant sur cette idée, que pourrait bien être l’idée « d’or potable » ? Quel pourrait être le lien entre les plantes, l’or, la médecine, et les fluides vitaux (liquides) ? Le tournesol ou l'idées de plantes captant le soleil. Outre sa couleur jaune, naturelle, mais proche de celle de l’or, son attrait vient qu’il tire sa vie de son vie : il est héliotrope, c’est à dire qu’il tire sa vie du soleil, d’un astre pour les gens du moyen-age, celui qui donne la vie, même s’il n’est pas le centre du monde.
En Europe, au début, il est considéré comme une curiosité, comme une plante ornementale. Il ne faut cependant pas oublier que le tournesol sert à produire pour la laine des colorants, des pigments de couleur jaune, là aussi, celle de l’or.
En Chine, le tournesol, symbole solaire, constitue une nourriture d’immortalité. Nous n’excluons pas que la plante que nous avons étudiée dans un précédent chapître soit un tournesol. Il faut ici des éléments suffisamment solides entre eux pour aboutir à une idée précise et quasiment irréfutable.

Dans ce chapitre alchimique, et sans que nous devions de près ou de loin, faire l’apologie de l’alchimie, nos efforts restent concentrés sur ce qui est donné à voir dans le manuscrit, et de mettre ces images en parallèle de nos connaissances. Nous poursuivons encore notre chemin avec Gilles de Rays, ancien compagnon d’arme de Jeanne d’Arc. Il recherchait la pierre philosophale, et l’élixir de longue vie. Sur ce dernier chapitre, il a acquis une réputation bien sombre, en sacrifiant des jeunes enfants pour obtenir l’élixir de longue vie, c’est à dire en pensant qu’il pouvait y avoir le transfert d’un fluide de la jeunesse vers les expérimentateurs (et bénéficiaires )plus agés. Or, dans les images que nous avons du manuscrit, n’est-il pas clair, comme nous l’avons déjà remarqué, qu’il n’y a presque que des jeunes enfants, des moniales, des êtres jeunes, et dévêtus ? Là aussi, il nous faut être persuadé que les bassins ou baignoires dans lesquelles sont de jeunes êtres humains, bassins reliés à des tubes, creusets ou cornues sont des expérimentations pour « transférer » l’essence même de la jeunesse vers des bénéficiaires alchimiques. L’histoire alchimique avec notamment Gilles de Rays nous éclaire sérieusement sur des pratiques concrètes (notons que dans le manuscrit, il n’y a aucune idée macabre, morbide, ou criminelle, mais ne doutons pas que, pour un homme du moyen age, si des enfants on tire leur jeunesse, que leur resterait-il ?)

Dans un autre ordre d’idée, l’alchimie fait appel au feu, pour le mélange des matières entre elles, parce que le feu est perçu comme créateur de nouvelles formes par le mélanges de matières premières. Le feu peut être naturel (mélange de matières entre elles incompatibles et réactives au contact réciproque), liquide (le bain-marie), ou réel (les flammes)
Nous n’avons aucune trace, sous quelque forme que ce soit de traces de feu, de chaleur, et nous manquerions alors d’un élément clef de l’alchimie : le feu. Il n’est pas nécessaire tout le temps, mais il est constamment présent.

Concernant les plantes, quelles soient ou non de la mandragore, elles ont un rôle très important, tout comme les dessins floraux occupent une place significative dans le manuscrit. La mandragore par exemple était extraite du sol au solstice d’été, avant le lever du soleil, et quand la lune était à son dernier quart. Les dessins astronomiques complètent ainsi la recette alchimique dans son ensemble, c’est la dire, la recette elle même, et les ingrédients un par un afin que ceux-ci produisent leurs effets magiques et mystérieux. Un élément banal ne peut prendre une valeur sacrée, sacralisée, sans rituel et magie lié à sa collecte et à sa transformation. Enfin, sur la mandragore, nous pourrions dire qu’elle était utilisée pour lutter contre la stérilité, entre autres. Ceci nous ramenant à la discussion précédente, à savoir si le bain des nymphes étaint de fertilité, de purification, ou de jouvence.

Une autre cohérence du manuscrit Voynich : les dessins des signes zodiacaux. Un manuscrit hébreu du XVe siècle énumère pour chacun des 12 signes du Zodiaque, les influences sur le corps : le dos, la rate, la colonne vertébrale, la cage thoracique, la bile, le ventre... Ainsi, le passage d’une matière inerte ou impure, à travers les 12 signes du zodiaque, permettrait-elle une régénérescence du corps, donc possiblement l’élixir de longue vie.

Dans le cadre de ce livre, il serait hors de propos de parler de la différence entre alchimie et magie. La différence au XVIe (ou au XVe) n’était peut être pas aussi importante que les différences que l’on pourrait faire aujourd’hui avec tout le recul historique que nous avons. Selon Paracelse, dans son œuvre « Philosophia Sagax », les six formes de magie sont :

- l’interprétation des signes naturels dans le ciel
- former et transformer le corps
- former ou prononcer des paroles ou des caractères c’est-à-dire des signes gravés, écrits ou dessinés, possédant un pouvoir qui permet d’effectuer avec des mots ce que le médecin accomplit avec des remèdes
- entailler les gemmes et représenter les constellations astrales afin qu’elles protègent le corps
- confectionner des images puissantes qui ont autant ou même plus de pouvoirs que les simples
- se faire entendre au loin, aller plus vite que nature, accomplir en un clin d’œil ce qui demanderait des jours.

On pourrait pour chacune de ces six formes y voir une réalité dans le manuscrit Voynich : les images, les mots, les étoiles, les corps, … contribuent dans une recette alchimique où la magie est omniprésente car faisant partie intégrante du processus alchimique.
En reprenant un texte de Paracelse (Archidoxis Magicae), on peut lire que l’écriture a aussi un rôle important : « les signes, les caractères et les lettres ont leur force et leur efficacité. Si la nature et l’essence propre des métaux, l’influence et le pouvoir du Ciel et des Planètes, la signification et la disposition des caractères, signes et lettres, s’harmonisent et concordent simultanément avec l’observation des jours, temps et heures, quoi donc, au nom du Ciel, empecherait qu’un signe ou sceau fabriqué de la sorte ne possédât sa force et sa faculté d’opérer ? ».
Ainsi, les images, les symboles présents dans le manuscrit sont renforcés par les caractères eux-mêmes. Le manuscrit est un tout duquel aucune dissociation de ses parties ne permet la compréhension de l’intention de l’auteur. Ainsi, si l’écriture a un sens caché, magique, renforcé par la forme des lettres, il est fort possible ou probable qu’il s’agisse d’un texte qui ne serait absolument pas déchiffrable car il ne serait pas codé ; uniquement inventé, graphique, un peu comme l’ouvrage de Luigi Serafini.


Autre source, autre texte : Les Compagnons de Valérien

L'alchimie correspond en effet à une approche totalement originale de la science et du savoir, non dénuée d'intérêt, et radicalement différente de nos conceptions scientifiques contemporaines. Après avoir vu dans une première partie ce qu'est l'alchimie et d'où elle vient, nous nous pencherons successivement sur les deux types de textes alchimiques : les textes clairs et les textes cryptés.

Comme pour tout ce qui concerne la « philosophie naturelle » (c'est-à-dire, pour les hommes du Moyen Âge, toutes les sciences de la nature), l'alchimie est indissociable de conceptions théologiques, qui conditionnent l'approche de toute science. Albert le Grand signale d'ailleurs que deux pièces sont tout aussi essentielles l'une et l'autre dans la maison d'un alchimiste : l'oratoire (oratorium) et le laboratoire (laboratorium). Après le XIIIe siècle, l'alchimie commencera à prendre ses distances par rapport à la théologie, et le genre évoluera dans une multitude de courants dispersés, avant d'être supplantée à l'époque moderne par la chimie scientifique (même si l'on continuera à rencontrer des alchimistes, et ce jusqu'au XXe siècle avec le mystérieux Fulcanelli).

L'alchimie est la science qui permet, au moyen d'un médium appelé « pierre philosophale », la transmutation des métaux vils en métaux nobles : argent (Oeuvre au blanc), et, surtout, or (Oeuvre au rouge, ou Grand Oeuvre). Cette définition de l'alchimie, qui la cantonne à un seul de ses buts et activités, est aujourd'hui la plus courante. Pour le profane, l'alchimie est généralement réduite à cela. Cette définition existait déjà au Moyen Âge, notamment sous la plume d'Al-Fàràbi, de Gundisalvi ou de Petrus Bonus, lequel écrit dans son Pretiosa margarita nouella, 3 : « L'alchimie est la science qui connaît radicalement les origines des métaux, leurs causes, leurs propriétés et leurs accidents, et, vu qu'ils sont imparfaits, incomplets, mélangés et corrompus, les transmute en or véritable. » Pour ce faire, l'alchimiste dispose de trois méthodes, ou voies. La voie humide, ou lente, la plus répandue, utilise les cornues chauffées « à la chaleur du fumier » (c'est-à-dire à feu très doux, comparable à la chaleur du fumier frais) sur l'athanor, et dure plusieurs mois, rien que pour réaliser les opérations (donc sans compter le temps de recherches préalable à la découverte des bonnes opérations à effectuer.) La voie sèche, ou rapide, s'effectue en quelques heures seulement dans un creuset, mais elle est dangereuse. Enfin, la voie très rapide, ou instantanée, consiste à tenter de capter la foudre. Je ne m'étendrai pas plus longtemps sur la dangerosité de cette dernière méthode, les alchimistes la tentant ayant rarement l'occasion de l'expérimenter une seconde fois.
Cependant, même si la fonction principale de l'alchimie est cette transmutation, appelée aussi « projection » par les alchimistes (l'obtention du principe de transmutation s'appelle la teinture, que l'on va littéralement projeter sur un métal, généralement du mercure ou du plomb), elle a également d'autres objets. De manière générale, l'alchimie touche à la compréhension des choses premières et de leur génération, ce qui la rapproche, sinon par les méthodes, du moins par l'aspiration, de certaines applications de la chimie moderne. Roger Bacon, dans son Opus tertium, 12, distinguait ces deux types d'alchimie : « [Il y a] l'alchimie spéculative, qui est observée à partir de tout ce qui est inanimé et de tout engendrement des choses à partir des éléments. Il y a aussi l'alchimie opérative et pratique, qui apprend à fabriquer des métaux nobles et colorés et de nombreuses autres choses, meilleures et plus abondantes qu'elles ne sont faites par la nature. » L'alchimiste s'apparente alors à une sorte de démiurge qui a la volonté de comprendre puis de reproduire, certes à une bien moindre échelle, le processus divin de Création. De manière générale, l'alchimie n'est pas uniquement pratique et expérimentale ; ce dernier aspect est toujours intimement associé à des considérations idéologiques, philosophiques, métaphysiques et occultes. La transmutation alchimique représente donc aussi un éveil spirituel.
Enfin, l'alchimie a des applications médicinales. Ainsi, un manuscrit autrefois attribué à Raymond Lulle (Testamentum, Practica, 1, Köln, 1573) précise que « l'alchimie est une partie de la philosophie naturelle occulte céleste, la plus nécessaire, qui forme un seul art et science qui n'est pas connu de tous, qui apprend à soumettre à sa tutelle et à purifier toutes les pierres précieuses qui ne sont pas parfaites mais déchues, et à les placer à la juste proportion, à remettre d'aplomb tous les corps humains qui sont tombés ou infirmes, à rétablir un bon tempérament naturel et la meilleure santé, et encore à transmuter tous les corps métalliques en lune [argent] véritable puis en soleil [or] véritable, le tout au moyen d'un seul corps médicinal universel auquel sont réduites toutes les particularités de la médecine. » Ces considérations médicinales étaient entre autres la recherche de la panacée, c'est-à-dire d'un remède universel, et celle de l'élixir de jouvence. L'or occupait une place majeure dans les compositions, et c'est d'ailleurs grâce aux alchimistes médiévaux que nous connaissons les propriétés comestibles de l'or. Certains grands de ce monde, au moyen Âge, en particulier les ecclésiastiques comme les papes, faisaient une consommation régulière d'or, saupoudré dans la boisson ou la nourriture, allant parfois jusqu'à faire infuser des pièces d'or en tisane, sur le conseil d'alchimistes.
L'astrologie avait également un lien important avec l'alchimie, et ce à deux niveaux. Tout d'abord, l'observation de la conjonction des astres était primordiale avant toute opération alchimique, afin de garantir sa réussite ; chaque mois zodiacal était par exemple favorable à l'une ou l'autre des opérations alchimiques. Deuxièmement, l'astrologie a partie liée à la médecine dans le soin des patients, y compris donc dans la médecine alchimique, dite aussi « spagyrie ».

Tout au long du Moyen Âge, la langue des textes alchimiques est, comme pour toute oeuvre savante, le latin, même si quelques textes en langues vernaculaires ont commencé à se diffuser à la fin du Moyen Âge. On peut distinguer deux grandes catégories de textes alchimiques : ceux qui s'expriment clairement, et ceux dont le sens est voilé à dessein.

Tout au long du Moyen Âge, la langue des textes alchimiques est, comme pour toute oeuvre savante, le latin, même si quelques textes en langues vernaculaires ont commencé à se diffuser à la fin du Moyen Âge. On peut distinguer deux grandes catégories de textes alchimiques : ceux qui s'expriment clairement, et ceux dont le sens est voilé à dessein.

II. Les recettes des theoricae et des practicae
Dans la première catégorie des textes alchimiques, dont le sens est clair, on trouve les traités théoriques et pratiques (theoricae et practicae), contenant des recettes. La recette, au coeur de l'oeuvre, de l'Opus, est rarement isolée, mais se situe généralement au début d'un manuscrit, ou dans le corps du texte. Elles sont la plupart du temps la perpétuation de recettes gréco-égyptiennes déjà notées dans les papyrus antiques. Les traités les plus célèbres de ce type aux XIIe et XIIIe siècles sont la Mappae Clauicula du IXe siècle, traduite au XIIe siècle, la Diuersarum artium schedula de Théophile (XIIe siècle), le Secretum Secretorum d'al-Ràzi (Xe siècle), l'Epistola ad Hasen Regem d'Avicenne (XIe siècle), l'Alchimie de Michel Scott (XIIIe siècle), l'Alkimia minor d'Albert le Grand (XIIIe siècle). Ces traités décrivent les différentes opérations alchimiques permettant d'obtenir la pierre philosophale : lotio, ablutio (lavage) ; congelatio, coagulatio (solidification) ; sublimatio (sublimation, évaporation) ; coctio, decoctio (fusion, cuisson) ; distillatio (per ascensum, per descensum ou per filtrum) (distillation) ; calcinatio (calcination) ; solutio (solution) ; ceratio (amollissement). L'obtention de la pierre philosophale passe toujours par plusieurs couleurs : nigrendo (noir) (substrat matériel indifférencié), teinture ad album (blanc) pour l'argent, et ad rubem (rouge) pour l'or. La pierre philosophale (du troisième ordre), ou couronne du sage, (qu'elle soit sous forme solide ou sous forme de poudre) est d'ailleurs généralement décrite comme étant de couleur rouge.

Exemple de deux recettes de transmutation :
« Pour faire de l'or le meilleur qui soit.
Fais fondre ensemble trois mesures de cuivre et une mesure d'argent, et tu ajouteras trois mesures d'orpiment (sulfure d'arsenic) non brûlé. Quand tu auras bien fait chauffer, laisse refroidir, mets dans un plat creux, couvre avec de l'argile, et chauffe jusqu'à ce qu'il y ait de la céruse (carbonate de plomb) ; soulève et fais fondre le tout, et tu trouveras de l'argent. Mais si tu auras beaucoup chauffé, il sera fait de l'électrum (quatre parties d'or pour une d'argent), et si tu y auras ajouté une mesure d'or, il sera fait de l'or le meilleur."

III. Allégories et cryptographie
La deuxième catégorie de textes alchimiques est celle des textes allégoriques. Ces textes, fruits d'alchimistes dits « jaloux » (c'est-à-dire ne désirant pas l'accès du plus grand nombre à leur science, voulant la réserver à une élite spécialement formée et digne de recevoir cet enseignement) peuvent être soit de simples recettes exprimées en Decknamen, soit des oracles (comme la Tabula smaragdina) ou des visions (comme l'Aurora consurgens).
Voici le texte de la Tabula smaragdina (Table d'émeraude) :

« Ceci est vrai, sans mensonge, certain et très véritable. Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ; par ces choses se font les miracles d'une seule chose. Et comme toutes les choses ont été faites à partir d'un, par la méditation d'un, ainsi toutes les choses sont nées de cette chose unique par adaptation. Le Soleil en est le père, et la Lune la mère ; le Vent l'a porté dans son ventre ; sa nourrice est la Terre. Le Père de tout, le Thélème du monde universel est ici. Sa force ou puissance est entière si elle est convertie en terre. Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l'épais, doucement, avec grand art. Il monte de la terre au ciel, par le même chemin descend du ciel sur la terre, et reçoit la force des choses supérieures et des choses inférieures. Tu auras par ce moyen la gloire du monde entier. Toute obscurité s'enfuira de toi. C'est là la force forte de toute force, car elle vaincra toute chose subtile et pénétrera toute chose solide. Ainsi a été créé le monde. De cela sortiront d'admirables adaptations, desquelles le moyen est ici présenté. C'est pourquoi je suis appelé Hermès Trismégiste, ayant les trois parties de la philosophie du monde entier. Ce que j'ai dit de l'oeuvre solaire est complet. » Tabula smaragdina (traduction J. Fabry)

Ce texte alchimique était attribué au Moyen Âge à Hermès Trismégiste, mais daterait en réalité du IXe siècle et aurait été composé en pays arabe. La Table d'émeraude a eu un retentissement considérable en Occident et fut considéré comme l'un des principaux textes fondateurs de l'alchimie. Il est entièrement à lire sur le mode allégorique. Ainsi, par exemple, l'émeraude des Sages évoquée dans le titre correspondrait au Mercure philosophal. Le Soleil et la Lune, quant à eux, désignent respectivement l'or et l'argent. De manière générale, les métaux sont évoqués de manière allégorique dans les textes alchimiques. Nous venons d'évoquer les deux métaux nobles. Les autres métaux, dits « vils », sont eux aussi cachés, la plupart du temps derrière des noms de planètes : Mercure (vif-argent ; le terme alchimique « mercure » est seul resté aujourd'hui pour désigner ce métal), Mars (fer), Vénus (cuivre), Jupiter (étain), Saturne (plomb).
Les opérations alchimiques sont immuablement régies par trois principes philosophiques (= alchimiques) majeurs : le mercure, le sel philosophique et le soufre (à distinguer du mercure, du sel et du soufre vulgaires). Tout réside dans l'interprétation de ces trois principes. Ainsi, le mercure représente le principe féminin, volatil, le sel la semence et le soufre le principe masculin, igné.
L'alchimie peut aussi utiliser d'autres noms de code, ou Decknamen (mot inventé par l'Allemand von Lippmann pour désigner les mots du jargon alchimique) pour crypter ses textes aux yeux du non-initié. Si le parallélisme astrologique que nous venons de voir est le plus courant, il existe aussi des Decknamen sur la hiérarchie des métaux (or = rex, « roi » ou leo, « lion » ; plomb = aurum leprosum, « or lépreux, c'est-à-dire impur » ou corpus immundum, « corps immonde », etc.), la couleur (soufre = cholera ; vitriol = leo uiridis, « lion vert », etc.), l'odeur, l'aspect général, les propriétés physico-chimiques, les allégories prises au domaine de la sexualité (commixtio, « fornication ») ou de la religion, etc. Voici d'autres images, parmi les plus courantes :
· Aigle : Volatilisation, acides employés dans l'Oeuvre ; air
· Animaux : les animaux de même espèce mais de sexe différent symbolisent le Soufre et le Mercure préparés pour l'?uvre. Lorsque les animaux sont unis, ils symbolisent la conjonction, quand ils se battent, la fixation du volatile ou la volatilisation du fixe.
· Arbres : les arbres portant des lunes symbolisent le petit magistère, des arbres portant des soleils, le grand magistère.
· Bain : dissolution de l'or et de l'argent et purification de ces deux métaux.
· Carré : symbolise les Quatre Eléments.
· Chambre : l'oeuf Philosophique.
· Chêne creux : Athanor.
· Chien : symbolise le Soufre ; l'or.
· Christ : la Pierre Philosophale.
· Corbeau : couleur noire que prend d'abord la matière de l'oeuvre quand on la porte à la chaleur.
· Diane : principe féminin, volatil, argent préparé à l'oeuvre.
· Epée : feu
· Fleurs : les couleurs du Grand Oeuvre.
· Grain : matière de la Pierre Philosophale.
· Hermaphrodite : symbolisation du Soufre et du Mercure après leur conjonction.
· Loup : symbole de l'antimoine.
· Mariage : conjonction du Soufre et du Mercure.
· Neptune : Eaux.
· Oiseaux : si ils s'envolent vers le ciel ils symbolisent la volatilisation et s'ils tombent vers le sol, ils symbolisent la précipitation.
· Phénix : couleur rouge de la Pierre.
· Rebis : synonyme d'hermaphrodite, également représenté par un Y.
· Salamandre : symbolise le feu.

Il existe également d'autres méthodes de cryptographie, comme le fait de remplacer une lettre par une autre. Ainsi, la Mappae Clauicula propose une recette de l'alcool (De commixtione puri et fortissimi xknk cum III qbsuf tbmkt cocta in ejus negocii uasis fit aqua quæ accensa edit flammam) où le mot xknk doit se lire vini (vin), qbsuf : parte (partie), et tbmkt : salis (sel). Ce peut être aussi la transcription littérale de mots étrangers, généralement grecs ou arabes, comme le mot alkitran, translittération d'un mot arabe signifiant « poix ». Enfin, les mots-clefs peuvent être remplacés par des symboles.

Malheureusement, certains symboles peuvent être propres à chaque alchimiste, rendant parfois un texte indéchiffrable. La cryptographie alchimique a connu des formes très variées, dont certaines n'ont toujours pas pu être déchiffrées aujourd'hui. La volonté des auteurs était de réserver ces textes aux seuls initiés, les laboureurs, afin d'éviter la cupidité des faux alchimistes, les souffleurs (qui utilisaient un prétexte alchimique pour arnaquer les gens, souvent en faisant des « démonstrations » sur la place publique), ou peut-être pour augmenter le mystère et le prestige de l'alchimie aux yeux des profanes, ou encore masquer l'inefficacité de recettes en les rendant presque impossibles à comprendre.
L'alchimie médiévale est donc une discipline intellectuelle qui allie pratique technique (bien que la crédibilité de la réalisation technique soit parfois absente de certains textes) et considérations spirituelles. L'aspect scientifique, au sens actuel du terme, est souvent rudimentaire, comme le montre l'étonnante mais fréquente absence de proportions et quantités dans les recettes, lesquelles sont très souvent transmises au fil des siècles pour elles-mêmes, sans chercher la preuve de leur efficacité. Toutefois, l'alchimie occupe une place non négligeable dans les sciences médiévales, et l'on peut retrouver dans ses textes des recherches poussées et intéressantes sur la conception et la composition du monde, de ses éléments constitutifs, ses transformations, et sur les possibilités d'expérimentation de l'homme médiéval. C'est également, bien entendu, une source non négligeable pour l'histoire des sciences et des techniques, mais aussi pour l'histoire de la pensée. Il est toutefois à regretter que certains textes ne puissent être décryptés de façon satisfaisante ; les multiples interpolations et les problèmes d'attribution des oeuvres alchimiques rendent également, malheureusement, encore malaisées les analyses qui peuvent en être faites.

Deux liens complémentaires sur l'alchimie (parmi beaucoup d'autres) : texte1 - texte2