LES RECETTES MEDIEVALES & ALCHIMIQUES
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Je tiens à préciser que je n'ai aucune attache de près ou de loin sur des sujets alchimiques. Je regarde et essaye de comprendre l'alchimie avec les yeux, autant que faire se peut, d'un savant, lettré, philosophe... de cette époque de pré-expérimentation des sciences physiques et chimiques. L'alchimie est ici pour moi un simple sujet d'étude, et non une passion ou un message à faire passer sous forme détournée ou prosélytique. Ceci me rend alors d'autant plus objectif pour en parler. Au cours d’une conférence à Poitiers en Février 2000, le professeur Robert Halleux, de l’Université de Liège, évoquait à l’époque du moyen age la présence très importante de recettes qui se comptaient par dizaines de milliers, sur des sujets aussi variés que l’encre, la poudre à éternuer, des recettes pour ne pas être dévoré, pour se rendre invisible… Toutes n’ont pas été étudiées. Le spectre de ces recettes est large. La cape d'invisibilité du très célèbre Harry Potter et la recette médiévale pour se rendre invisible, outre le fait qu'elles ne sont pas éloignées sur le principe, montrent une certaine continuité historique des désirs de l'Homme : acquérir le pouvoir avec une aide, un substitut... Le pouvoir de l'invisibilité est bien celui de pouvoir être n'importe où sans être vu, et donc de savoir tout sans que les détenteurs du savoir le sachent quand ils s'expriment. Une recette médiévale, telle que la définit Robert Halleux, est une séquence opératoire, un enchaînement d’ingrédients et d’opérations, dans un but résumé en entête de chaque recette. Les recettes devaient représenter la pratique. Elles ne sont pas toujours d’un aspect facile. Les recettes écrites posaient inévitablement des questions : cela marche-t-il ? Est-ce que cela a été expérimenté ? Les domaines où l’on retrouve des recettes sont très divers : géométrie pratique, médecine, art et métier, magie, alchimie… Il y a des recettes qui prétendent donner des pouvoirs qui ne sont pas dans l’ordre habituel des choses (mais reflètent cependant un aspect pratique). Et l’on pense à la magie. Mais il s’agit dans cette époque d’une magie naturelle, liée à la laïcisation de l’Univers, où le surnaturel et le miraculeux perdent de leur influence. Le fer, le feu, l'ouverture du monde, le retour des aventuriers par mer et par terre racontant et affubulant selon l'adage « qui vient de loin a beau mentir ». Non pas que marins et aventuriers aient volontairement eu envie ou souhaité mentir, mais ils découvraient des mondes et des civilisations bien au delà de leur milieu d'origine, et en peu de temps, ces hommes ont vu l'idée du monde complètement bouleversée, où toute nouveauté reflétait une part d'invention, de surnaturel, de différence, de magie, de puissance et de tellement merveilleux qu'ils amplifiaient ce qu'ils ont vu à ce qu'ils auraient pu encore voir en poussant plus loin leurs découvertes. Ces recettes n’avaient cependant qu’un but : être appliquées. Appliquées non pas dans la fabrication en tant que telle, mais dans l'issue de la recette, ou ses conséquences pratiques et opérationnelles ; c'est-à-dire celle conséquemment aux opérations ayant servi à la réussir. Si le Manuscrit Voynich était une recette médiévale, et donc applicable selon les principes réels qui ont prévalu à une époque où le manuscrit a été rédigé, quel qu’en soit le thème sous-jacent, entendons par là, la recette, il devrait y avoir une clef de déchiffrement. Le concept de recette n’est toutefois pas identique dans la période moyennageuse que dans celle de la Renaissance. Les titres des recettes sont en général « secrets », « experimentum « (qui n’a pas été expérimenté, mais qui a été validé par une autorité). C'est le délicat passage des premières découvertes scientifiques ou pré-scientifiques, c'est-à-dire de faire et refaire des expériences selon un process établi et connu d'avance, en limitant l'empirisme, au processus intellectuel de conceptualisation de nouvelles recettes avec de nouveaux effets basés sur l'expérience passée, sans que l'expérimentation ait pu prouver les résultats probables. Concernant une possible recette alchimique que revêtirait le Manuscrit Voynich, il faut remarquer que les feuillets ne montrent pas une quelconque transformation des métaux, qu’il n’y a pas de pierre, au sens minéral du terme, et pas de feu, éloignant ainsi le possible entre la représentation du manuscrit et l'alchimie traditionnelle et naissante. Cela n’est pas anormal. Transmuer le plomb en or était lié à la richesse matérielle, mais est devenu par dérivation la recherche de l’exilir de longue vie, c’est-à-dire l’or vital, l’or qui donne la richesse cette fois vitale et non plus matérielle. Par contre, les recettes médicinales du moyen age, assez souvent, en fonction de leurs complexités recourraient à plusieurs plantes, et donc à des préparations elles-mêmes composées de plusieurs plantes. Dans ce cas de figure, on verrait plus le manuscrit Voynich comme une recette de médecine pratique, magique ou divine car il présente de nombreuses figures de plantes avec des bains, des réceptacles de décoction. Nous détaillerons tout ceci dans les paragraphes suivants. L’idée que le manuscrit représente une recette est très sérieuse et tout à fait plausible, dans la mesure où il semble que la fin du mansucrit soit une table des matières, et que les illustrations rendent la description du texte adjacent plus pratique et plus accessible. Toutefois, l’on pourrait objecter que si les dessins rendaient les explications plus claires, il n’en reste pas moins que les explications ne sont quant à elles pas claires puisque cryptées ou au moins indéchiffrables. Nous pouvons à ce stade pousser plus loin notre réflexion sur l’idée de recette médiévale, et orienter nos pistes de recherche vers l’idée de rajeunissement au moyen age. RAJEUNIR AU MOYEN AGE OU LE MYTHE DE L’ETERNELLE JEUNESSE Une conférence, elle aussi à Poitiers, en février 2000, cette fois-ci assurée par le professeur de l'université de Génève, Monsieur PARAVICINI, traitait du thème de l’éternelle jeunesse. Ce mythe, car il s’agit bien là d’un mythe, remonte à la nuit des temps. Le moyen-age a procédé à une ré-écriture de ce mythe qui a duré jusqu’au XVIIIe siècle. Cette ré-écriture a été opérée au sens propre et au sens figuré. Cette littérature, celle du sens propre, propose d’abord des méthodes aux élites sociales. Ceci confirme que le manuscrit Voynich n’a pu être écrit que par un érudit, un plausible fou érudit, mais érudit quand même, pour un public restreint et averti. Les recettes d’élixir de longue vie se font sur la base d’ingrédients existants et disponibles. Ainsi, pour reprendre le fil de notre discussion sur le possible tournesol, si ce manuscrit a été écrit postérieurement à 1492, il eut fallu que les limites des traditions et rites existants soient repoussés pour trouver dans une nouvelle plante des qualités elles-mêmes nouvelles, c’est-à-dire pouvant potentiellement allonger la vie humaine. Or, Robert Halleux, nous disait que l’intégration des nouvelles plantes dans les recettes ne s’est pas faite immédiatement. Et cela d’autant plus que les hommes du moyen age avaient une certaine crainte de la nouveauté. Les ingrédients des recettes d’élixir de longue vie étaient au nombre de 7, dont on pourra remarque la portée symbolique si certains sont avertis en numérologie : * chaleur (d’un corps jeune par simple contact, qui se transfère à un corps vieux) Ces ingrédients sont des éléments simples et autonomes, utilisables tout de suite, sans procédé chimique ou alchimique quelconque. Ce n’est que lorsque les mélanges se feront que les « pouvoirs » d’éternelle jeunesse se réaliseront en se combinant harmonieusement entre eux (selon naturellement les croyances d'alors) L’or et l’ambre étaient les composés les plus utilisés car ils ne vieillissent pas, et sont un équilibre parfait car résistant aux conditions extérieures. Ils sont un élement naturel dont la portée symbolique rappelle celle du soleil et du feu. Ainsi l'or et l'ambre, symbolisant le feu, offrent un composant liant et fusionnant d'autres composés organiques ou minéraux, bien plus qu'un simple mélange. Pour rajeunir, les hommes du moyen age constataient que quand un corps était froid et sec, c’est-à-dire plus il perdait le chaud et devenait humide, plus il vieillissait. Il fallait donc combattre le froid et le sec, rétablir les « humeurs » afin de prolonger la vie, et donc de retarder le vieillissement. Roger Bacon, est l’érudit du moyen age qui a le plus écrit sur la prolongation de la vie pour retarder les effets du vieillissement. Ainsi que les métaux peuvent être améliorés par leur combinaison et agencement, l’homme aussi peut être amélioré et perfectionné. On pourrait ainsi transformer l’or en nature humaine car l’or est stable. C’est ainsi que la stabilité de l’or était appréciée pour améliorer la vie de l’homme et la prolonger. Roger Bacon écrivait dans livre des « 6 sciences » que « pour obtenir les derniers termes de la vie fixée par Dieu et la nature, l’homme peut se servir de science : astronomie, alchimie, perspective (optique), et autres sciences expérimentales ». On notait aussi dans cette époque moyennageuse que le pouvoir des étoiles sur les aliments et les boissons permettaient à l’homme de voir sa vie prolongée. Là aussi, on retrouve un élement symbiotique entre le ciel inaccessible et l'homme cherchant cet inaccessible. En astrologie, l'observation des signes du corps sert pour le traitement des maladies, pour les saignées et les purgations. Ainsi l'on a pour chaque signe zodiacal une répartition selon les parties du corps, permettant ainsi, dans le chapitre sur l'astrologie que chaque partie du corps se régénère en fonction des plantes, des astres, des recettes elles-mêmes dans une unité du corps, objet de la vie éternelle. Les signes sont répartis ainsi : Le Bélier pour la tête. C’était une pratique très courante au moyen age d’élaborer des élixirs de longue vie. Or si le manuscrit Voynich était un élixir de longue vie, pourquoi a-t-il été rédigé dans une langue inconnue, avec une écriture secrète ? Pourquoi se protéger d’une pratique courante ? Peut être, si cette hypothèse se révélait exacte, que l’auteur avait trouvé la recette infaillible et universelle. C’est alors pour se protéger qu’il aurait inventé cette écriture. Or, une telle recette n’existe pas, et il n’a donc pas pu la tester et l’éprouver. Donc son écriture n’est pas pour cacher une recette dont les effets seraient réels. Sauf à ce que la théorie lui ait suffit pour s’assurer que sa recette était infaillible, pratique et utile. De plus, l’on sait que l’or participait dans de très nombreuses recettes. Et l’on ne voit pas de traces d’or dans ce manuscrit, excepté l'élément substitutif représenté par l'héliotrope et d'autres plantes "ouvertes" à la lumière et au ciel. Par contre, les étoiles ou les effets célestes sont quant à eux bien présents dans ce manuscrit, ainsi que les « tubulures » de transfert de chaleur de corps jeunes à une fabrique alchimique. Restons-en la pour l’instant, sur l’idée que nous retenons que ce manuscrit est une recette d’élixir de longue vie, la pierre philosophale. Est-ce un secret qui a été monnayé d’un état à l’autre, et dont le manuscrit représent la forme cryptée de cette recette ? Pourquoi pas, mais nous n’avons aucun indice, ni piste de recerche pour confirmer cette hypothèse plausible. L’ALCHIMIE L’alchimie ne peut être résumée par l’image populaire d’expériences magiques, d’initiés proches de pratiques de sorcellerie… L'alchimie s'est donnée des buts distincts, qui parfois coexistent. Le but le plus emblematique de l'alchimie est la fabrication de la pierre philosophale, ou « grand oeuvre », censée être capable de transmuter les métaux vils en or, ou en argent. D'autres buts de l'alchimie sont essentiellement thérapeutiques, la recherche de l'elixir d'immortalité et de la Panacée (médecine universelle), et expliquent l'importance de la médecine arabe dans le développement de l'alchimie. Derrière des textes hermétiques constitués de symboles cachant leur sens au profane, certains alchimistes s'intéressaient plutôt a la transmutation de l'âme, c'est-à-dire à l'éveil spirituel. On parle alors de "l'alchimie mystique". Plus radical encore, l'Ars Magna, une autre branche de l'alchimie, a pour objet la transmutation de l'alchimiste lui-même en une sorte de surhomme au pouvoir quasi-illimité. Un autre but de l'alchimie, introduit par Paracelse, est la création d'un homme artificiel de petite taille, l'homonuclus. Et d’abord, ce que vous voyons être dans plusieurs feuillets des tubes, tubulaires, baignoires et autres formes pouvant a priori garder ou transporter des liquides, pourrait être assimilé aux creusets et cornues dans lesquelles se pratiquaient les mélanges ou échanges de procédés. Nous avons donc là du matériel propre aux pratiques alchimiques. Alors, bien sûr, la baignoire dans l’imagerie traditionnelle alchimique n’est pas un terrain d’expérimentation fréquent, mais ce n’est pas l’idée de baignoire qui nous intéresse ici mais le fait que s’agissant d’êtres humains, représentés dans leur taille réelle, un creuset ou une cornue d’expérimentation n’avaient pas la taille et la forme nécessaire pour être « compatible » avec un être humain. La « baignoire » remplit son rôle de creuset géant, mais creuset quand même dans lequel s’échange et se mélange des liquides et des fluides (les humeurs humides, principes de vie). Ci-dessous, nous prenons un exemple d’une « recette alchimique » (ou pierre philosophale). Aux siècles passés, philosophes et savants croyaient fermement qu'il était possible d'extraire des minéraux, par un long et savant processus de purification, le "principe naturel" générateur d'or. Voici, selon un écrit anonyme du XVIIe siècle, "The sophic hydrolith". la méthode à suivre pour préparer la pierre philosophale à partir d'un minéral : "Il convient d'abord de purger la matière de tout ce qui est épais, nébuleux, opaque et sombre. On obtenait ainsi de l'eau mercurielle ou eau céleste, fluide extrêmement volatil au parfum pénétrant. Après avoir réservé une partie de ce liquide, il fallait mélanger le reste à un douzième de son poids du corps divinement enrichi de l'or (c'est-à-dire de l'or ordinaire souillé et terni par un long usage). Il se formait de la sorte un amalgame solide que l'on réchauffait à feu doux pendant une semaine avant de le dissoudre dans une partie de l'eau mercurielle, en réserve dans une fiole en forme d'œuf. Puis il fallait ajouter progressivement en sept fois le reste de l'eau mercurielle, sceller hermétiquement le flacon et le conserver dans un endroit tiède, à la même température que des œufs à couver. Au bout de quarante jours, le contenu de la fiole devait être aussi noir que la tête d'un corbeau. Encore sept jours plus tard, on devait normalement voir apparaître des petits corpuscules blancs, semblables aux yeux d'un poisson. La pierre philosophale commençait alors à se matérialiser. d'abord de couleur rougeâtre, la substance se colorait ensuite de vert, de blanc et de jaune, comme la queue d'un paon : puis elle virait au blanc scintillant, prenant plus tard un éclat rouge sombre, avant d'apparaître dans toute la perfection et la gloire de sa couleur pourpre. Quant au minéral utilisé pour la préparation, nous lisons dans Gloria mundi (1526) qu'il est familier à tous les hommes, qu'ils soient jeunes ou vieux, qu'on le trouve aux champs. Bien que les hommes en fassent peu de cas, il s'agit pourtant de la plus belle et de la plus précieuse chose de la Terre... " Dans un autre ordre de sujet, mais néanmoins proche du Manuscrit, il faudrait maintenant évoquer ici Paracelse, qui parcourut bon nombre de pays d’Europe, et qui fut un savant reconnu et éclairé en toutes choses. Il assurait avoir fabriqué un « homunculus », et avoir mis au point un élixir à base d’or potable capable d’apporter une jeunesse éternelle. Il résolut également au fil de ses recherches et expérimentations de ne plus séparer l’alchimie de la médecine. Nous savons tous que la médecine d’alors avait recours à des recettes médicinales orientée autour de mélanges de plantes diverses et orientales, voire sacrées. En continuant sur cette idée, que pourrait bien être l’idée « d’or potable » ? Quel pourrait être le lien entre les plantes, l’or, la médecine, et les fluides vitaux (liquides) ? Le tournesol ou l'idées de plantes captant le soleil. Outre sa couleur jaune, naturelle, mais proche de celle de l’or, son attrait vient qu’il tire sa vie de son vie : il est héliotrope, c’est à dire qu’il tire sa vie du soleil, d’un astre pour les gens du moyen-age, celui qui donne la vie, même s’il n’est pas le centre du monde. Dans ce chapitre alchimique, et sans que nous devions de près ou de loin, faire l’apologie de l’alchimie, nos efforts restent concentrés sur ce qui est donné à voir dans le manuscrit, et de mettre ces images en parallèle de nos connaissances. Nous poursuivons encore notre chemin avec Gilles de Rays, ancien compagnon d’arme de Jeanne d’Arc. Il recherchait la pierre philosophale, et l’élixir de longue vie. Sur ce dernier chapitre, il a acquis une réputation bien sombre, en sacrifiant des jeunes enfants pour obtenir l’élixir de longue vie, c’est à dire en pensant qu’il pouvait y avoir le transfert d’un fluide de la jeunesse vers les expérimentateurs (et bénéficiaires )plus agés. Or, dans les images que nous avons du manuscrit, n’est-il pas clair, comme nous l’avons déjà remarqué, qu’il n’y a presque que des jeunes enfants, des moniales, des êtres jeunes, et dévêtus ? Là aussi, il nous faut être persuadé que les bassins ou baignoires dans lesquelles sont de jeunes êtres humains, bassins reliés à des tubes, creusets ou cornues sont des expérimentations pour « transférer » l’essence même de la jeunesse vers des bénéficiaires alchimiques. L’histoire alchimique avec notamment Gilles de Rays nous éclaire sérieusement sur des pratiques concrètes (notons que dans le manuscrit, il n’y a aucune idée macabre, morbide, ou criminelle, mais ne doutons pas que, pour un homme du moyen age, si des enfants on tire leur jeunesse, que leur resterait-il ?) Dans un autre ordre d’idée, l’alchimie fait appel au feu, pour le mélange des matières entre elles, parce que le feu est perçu comme créateur de nouvelles formes par le mélanges de matières premières. Le feu peut être naturel (mélange de matières entre elles incompatibles et réactives au contact réciproque), liquide (le bain-marie), ou réel (les flammes) Concernant les plantes, quelles soient ou non de la mandragore, elles ont un rôle très important, tout comme les dessins floraux occupent une place significative dans le manuscrit. La mandragore par exemple était extraite du sol au solstice d’été, avant le lever du soleil, et quand la lune était à son dernier quart. Les dessins astronomiques complètent ainsi la recette alchimique dans son ensemble, c’est la dire, la recette elle même, et les ingrédients un par un afin que ceux-ci produisent leurs effets magiques et mystérieux. Un élément banal ne peut prendre une valeur sacrée, sacralisée, sans rituel et magie lié à sa collecte et à sa transformation. Enfin, sur la mandragore, nous pourrions dire qu’elle était utilisée pour lutter contre la stérilité, entre autres. Ceci nous ramenant à la discussion précédente, à savoir si le bain des nymphes étaint de fertilité, de purification, ou de jouvence. Une autre cohérence du manuscrit Voynich : les dessins des signes zodiacaux. Un manuscrit hébreu du XVe siècle énumère pour chacun des 12 signes du Zodiaque, les influences sur le corps : le dos, la rate, la colonne vertébrale, la cage thoracique, la bile, le ventre... Ainsi, le passage d’une matière inerte ou impure, à travers les 12 signes du zodiaque, permettrait-elle une régénérescence du corps, donc possiblement l’élixir de longue vie. Dans le cadre de ce livre, il serait hors de propos de parler de la différence entre alchimie et magie. La différence au XVIe (ou au XVe) n’était peut être pas aussi importante que les différences que l’on pourrait faire aujourd’hui avec tout le recul historique que nous avons. Selon Paracelse, dans son œuvre « Philosophia Sagax », les six formes de magie sont : - l’interprétation des signes naturels dans le ciel On pourrait pour chacune de ces six formes y voir une réalité dans le manuscrit Voynich : les images, les mots, les étoiles, les corps, … contribuent dans une recette alchimique où la magie est omniprésente car faisant partie intégrante du processus alchimique. Autre source, autre texte : Les Compagnons de Valérien L'alchimie correspond en effet à une approche totalement originale de la science et du savoir, non dénuée d'intérêt, et radicalement différente de nos conceptions scientifiques contemporaines. Après avoir vu dans une première partie ce qu'est l'alchimie et d'où elle vient, nous nous pencherons successivement sur les deux types de textes alchimiques : les textes clairs et les textes cryptés. Comme pour tout ce qui concerne la « philosophie naturelle » (c'est-à-dire, pour les hommes du Moyen Âge, toutes les sciences de la nature), l'alchimie est indissociable de conceptions théologiques, qui conditionnent l'approche de toute science. Albert le Grand signale d'ailleurs que deux pièces sont tout aussi essentielles l'une et l'autre dans la maison d'un alchimiste : l'oratoire (oratorium) et le laboratoire (laboratorium). Après le XIIIe siècle, l'alchimie commencera à prendre ses distances par rapport à la théologie, et le genre évoluera dans une multitude de courants dispersés, avant d'être supplantée à l'époque moderne par la chimie scientifique (même si l'on continuera à rencontrer des alchimistes, et ce jusqu'au XXe siècle avec le mystérieux Fulcanelli). Tout au long du Moyen Âge, la langue des textes alchimiques est, comme pour toute oeuvre savante, le latin, même si quelques textes en langues vernaculaires ont commencé à se diffuser à la fin du Moyen Âge. On peut distinguer deux grandes catégories de textes alchimiques : ceux qui s'expriment clairement, et ceux dont le sens est voilé à dessein. Exemple de deux recettes de transmutation : III. Allégories et cryptographie Ce texte alchimique était attribué au Moyen Âge à Hermès Trismégiste, mais daterait en réalité du IXe siècle et aurait été composé en pays arabe. La Table d'émeraude a eu un retentissement considérable en Occident et fut considéré comme l'un des principaux textes fondateurs de l'alchimie. Il est entièrement à lire sur le mode allégorique. Ainsi, par exemple, l'émeraude des Sages évoquée dans le titre correspondrait au Mercure philosophal. Le Soleil et la Lune, quant à eux, désignent respectivement l'or et l'argent. De manière générale, les métaux sont évoqués de manière allégorique dans les textes alchimiques. Nous venons d'évoquer les deux métaux nobles. Les autres métaux, dits « vils », sont eux aussi cachés, la plupart du temps derrière des noms de planètes : Mercure (vif-argent ; le terme alchimique « mercure » est seul resté aujourd'hui pour désigner ce métal), Mars (fer), Vénus (cuivre), Jupiter (étain), Saturne (plomb). Il existe également d'autres méthodes de cryptographie, comme le fait de remplacer une lettre par une autre. Ainsi, la Mappae Clauicula propose une recette de l'alcool (De commixtione puri et fortissimi xknk cum III qbsuf tbmkt cocta in ejus negocii uasis fit aqua quæ accensa edit flammam) où le mot xknk doit se lire vini (vin), qbsuf : parte (partie), et tbmkt : salis (sel). Ce peut être aussi la transcription littérale de mots étrangers, généralement grecs ou arabes, comme le mot alkitran, translittération d'un mot arabe signifiant « poix ». Enfin, les mots-clefs peuvent être remplacés par des symboles. Deux liens complémentaires sur l'alchimie (parmi beaucoup d'autres) : texte1 - texte2 |
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