RODOLPHE II, L'ORIGINE PRAGOISE DU MANUSCRIT

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Le manuscrit va maintenant nous envoyer dans ce qui est vraisemblablement son lieu de rédaction, ou du moins celui où il a pris forme et envergure : la cour de Rodolphe II de Bohême (1576-1612). L’Encyclopdia Universalis note « Pendant les trente-six ans de son gouvernement, l’empereur Rodolphe II voit glisser les grandes affaires d’entre ses mains. Kepler séjourne à sa cour à côté de charlatans et d’alchimistes.» Elevé en Espagne dans son plus jeune age, attiré par le protestantisme dont il fera quasiment son jardin secret jusqu’à sa mort afin de maintenir l’équilibre politique de son empire vis à vis de Rome principalement, tiraillé donc par deux religions contraires, il s’ouvrit à l’alchimie avec un entrain effréné. Ses problèmes de santé chroniques et récurrents, allié au pouvoir, ont certainement contribué à la volonté de rester jeune et d’avoir une bonne santé pour régner en maitre, et apprécier la diversité du monde. « Il veut de l’or et de l’élixir de longue vie » écrit Jacqueline Dauxois (journaliste et romancière française) dans son livre portant sur Rodolphe II (Ed JC Lattès).

Couronné Roi de Bohême et de Hongrie, puis Empereur allemand, il fut le seul monarque de la dynastie des Habsbourg à choisir Prague comme capitale de l’Empire. Féru d’astrologie, d’alchimie et d’art, il est peu préoccupé par les affaires politiques du royaume. Il introduit à Prague de nombreux savants et artistes comme Arcimboldo, Kepler ou Tycho Brahé. De cette époque datent nombre des mythes et légendes empreints de magie et de magnétisme qui contribuent au charme de Prague.

 

Rodople II, piètre homme d’état, s’enferma dans son château de Hradany, à Prague, où il vécut comme un mécène et un savant, favorisant les recherches des astronomes Tycho Brahé et Kepler. Il rassembla des peintres, artisans, mathématiciens, astronomes, alchimistes... Cette époque moderne était un univers de remise en cause où les sciences, la politique, et la religion structuraient mieux le monde, celui-ci étant plus ouvert, tant par les découvertes, que par les alliances politiques et familiales entre de nombreuses couronnes européennes.

Rabbi Loeb a été invité au Hradschin de Prague, en 1592, par Rodolphe II, qui le reçut avec grands honneurs et avec lequel il eut un entretien «sur les sujets les plus élevés et les plus secrets que l’on puisse imaginer», selon l’expression du chroniqueur. Rodolphe créa une « académie alchimique » en invitant les plus grands noms de l’époque, et dut surement, lui-même pratiquer l’alchimie. « Il transgresse les interdits religieux et veut percer lui-même le mystère qui entoure les transmutations... Engagé dans cette spirale du secret, il apprend que la transmutation consiste à fabriquer un corps nouveau en unissant les deux principes antagonistes, éloigné et prochain dont est formé la matière » (Jacqueline Dauxois).

A la cour de Rodolphe vivaient deux plus grands astronomes de l'Europe, Tycho Brahé et Johannes Kepler. Dans une ruelle mystérieuse au Château de Prague, Rodolphe a fait installer les laboratoires des alchimistes et les ateliers des fabricants d'or et d'élixir de vie. J. Dauxois écrit « il n’aimait pas les oeuvres qui se laissent aborder sottement, naivement, sans proposer un sens mystérieux, inviolable par le vulgaire, et leur montre de quelle manière charger leurs oeuvres de références aux mythes ».

Esprit tourmenté dont les principales préoccupations étaient d’art et de science (depuis les sciences occultes jusqu’à l’astronomie de Kepler et de Tycho Brahé). Jacqueline Dauxois note encore « Rodolphe était curieux de toutes les activités humaines, et voulait vivre entouré de beauté. La science l’attirait autant que les arts et les arts autant que les bizarreries de la nature ; Il fait confiance à Tycho Brahé comme astrologue, et comme médecin. Tycho fabrique du beuvrage qui contient de la mélasse, de la teinture de corail, et de l’or potable dont Rodolphe est content. Satisfait de l’élixir, il se fie aux prédictions [de Tycho]. ».

Rodolphe est certainement celui des grands monarques qui a eu un des trésors les plus prodigieux, qu’il aura fallu trois siècles après sa mort pour complètement le disséminer à travers l’Europe et le monde entier. C'est certainement là aussi, une raison de l'extension du savoir et de la connaissance : l'essaimage, cette volonté des uns et des autres d'être curieux, de s'approprier un savoir, fut-il vrai ou faux, pour l'enrichir, s'enrichir, et le communiquer aux autres afin de détenir un pouvoir un peu plus grand qu'avant. L'Europe était un territoire international avant tout traité : l'alliance des couronnes, les arts, le voyage des artistes, marins, astronomes, médecins... permettaient aux voyages de se former dans toutes les directions, même parfois les plus lointaines. Les espagnols en Flandres, les italiens en Europe du Nord... Aussi est-ce naturel de voir ses collections disséminées aux quatre coins de l'Europe, soutenant telle origine anglaise pour le Manuscrit, ou telle autre italienne...

Rodolphe finira sa vie, en 1612, en chassant l’Eglise, et en buvant une potion d’élixir de longue vie qu’un anglais, Sheton, lui avait préparé, et fait conserver dans une fiole, que l’empereur gardait sur lui.

Résumer l'origine pragoise du manuscrit parce que l'empereur Rodolphe était versé en alchimie est effectivement un résumé, mais finalement pour qui ce manuscrit a-t-il été destiné si ce n’est pour un puissant ? Ecrit par un simple alchimiste par jeu, par prudence ? Possible mais non plausible. Pourquoi alors le rendre secret si ce n'est ne pas le rendre public ? Cet alchimiste n'était pas seul dans son entourage, et le fait qu'il l'ait rendu secret était lié à la personne pour qui il était destiné, en l'occurence un prince, un roi, un empereur, pour qui l'Eglise ne devait pas avoir de prise si elle entrait en possession du manuscrit. Ce manuscrit porte le secret en lui car il était destiné à des initiés, à peu d'initiés sinon il serait devenu commun. Nous en détaillerons l'idée dans les pages suivantes.